«
Il vivra dans la mémoire des générations futurs non seulement comme un
génie scientifique d’une grandeur exceptionnelle, mais encore comme un
homme qui a incarné l’élévation morale au plus haut degré. Son image
est profondément gravée dans mon âme et, étrangement ému, je murmure
ces paroles d’Epicure : Doux est le souvenir de l’ami disparu »
Maurice Solovine, Lettre à Solovine
“Lorsque
j’étais encore un petit garcon je
suis devenu fortement affecté par la futilité des espoirs et des efforts que la
plupart des hommes poursuivent dans la vie. En outre, j'ai vite découvert la cruauté
de cette poursuite, qui, dans ces années-là était beaucoup plus soigneusement
couverte par l'hypocrisie et par des mots scintillants que ce n'est le cas
aujourd'hui. Par la simple existence de son estomac, tout le monde a été
condamné à participer à cette chasse. L'estomac pourrait bien être satisfait
par cette participation, mais pas l'homme, dans la mesure où il est un être qui
sent et éprouve. Comme premier moyen de s’échapper, il y avait la
religion, qui est implantée dans chaque enfant par le biais de la machine
éducative traditionnelle. Ainsi, j’en suis venu – bien qu’enfant
de parents juifs non religieux - à une profonde religiosité, qui, toutefois, a
atteint une fin brutale à l'âge de douze ans. A travers la lecture de livres de
vulgarisation scientifique je suis vite parvenu à la conviction que la plupart
des histoires de la Bible ne pouvaient pas être vraies. La conséquence fut une
orgie fanatique de libre pensée associée à l'impression que la jeunesse est
intentionnellement trompée par l'État par le biais de mensonges, c'était une
impression d'écrasement. Une méfiance à l'égard de tout type d'autorité a
résulté de cette expérience, une attitude sceptique envers les convictions
présentes dans n’importe quel milieu social - une attitude qui depuis ne
m’a jamais quitté, même si, plus
tard, elle a été tempérée par une meilleure compréhension de la connexion causale. Il est tout à
fait clair pour moi que le paradis religieux de ma jeunesse, qui a donc été
perdu, fut une première tentative de me libérer des chaînes d’une
existence "simplement personnelle" dominée par des désirs, des
espoirs et des sentiments primitifs. Là dehors, il y avait ce gigantesque
monde, qui existe indépendamment de nous, êtres humains et qui se tient devant
nous comme une grande et éternelle énigme, au moins partiellement accessible à
notre pensée et à notre inspection. La contemplation de ce monde raisonna comme
une libération, et j'ai vite remarqué que beaucoup d’hommes que j'ai
appris à estimer et à admirer avaient trouvé la liberté intérieure et la
sécurité dans cette recherche. Saisir mentalement ce monde extra-personnel dans
le cadre de nos capacités se présenta à mon esprit, à moitié consciemment, à
moitié inconsciemment, comme un objectif suprême. Les hommes du présent et du
passé eux-aussi motivés [par cette quête], ainsi que les découvertes qu'ils ont
obtenus, ont été les amis qui ne pouvaient pas être perdus. La route de ce
paradis n'était pas aussi confortable et attrayante que la route du paradis religieux,
mais elle s'est montrée fiable, et je n'ai jamais regretté l'avoir choisi »
Einstein Autobiographical Notes,
Philosopher-Scientist
► Einstein, Dieu et la religiosité cosmique
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