Avis sur Epicure
« Celui-là fut un
Dieu, oui un Dieu glorieux Memnius qui nous a indiqué le chemin du
bonheur »
Lucrèce, De la nature des choses.
« À aucun prix, je n'abandonnerai la doctrine du bonheur et de la vérité.»
réponse du sénateur Velléius à Cicéron qui l'invitait à rejeter l'épicurisme
« Je ne pourrais pas oublier Epicure, même si je le voulais : son image m'atteint partout... »
Pomponius (Atticus) d'après Cicéron, des fins, V
« Epicure, ce grand homme
dont la nature est véritablement sacrée et divine, a seul connu la vérité et le
bien, et a apporté la libération à ses disciples »
Lucien de Samosate, alexandre ou le faux prophète.
«
Et certains hommes ont vécu ainsi, et sans cesse ils ont constamment
ressenti leur vie dans le monde et le monde en eux ; et ce fut surtout
l’un d’entre eux, un des plus grands hommes qui soient,
l’inventeur d’une façon de philosopher à la fois héroïque et idyllique: Épicure »
Nietzsche, Le voyageur et son ombre, 295.
« La sagesse n'a pas dépassé Epicure d'un seul pas, et elle a souvent reculé de plusieurs milliers de pas par rapport à lui »
Nietzsche, la volonté de puissance.
La question qui a amené Epicure à la philosophie
On raconte qu’à l’age de
12 ans, alors qu’Epicure suivait les leçons d’un professeur de
lettre qui lisait le vers d'Hésiode :
"d'abord naquit le Chaos, le plus ancien des
êtres,
puis la terre aux vastes étendues, siège de toute chose"
Epicure demanda : "et d'où vient le chaos ?" Incapable de
l’expliquer, le professeur répondit qu'il n'enseignait pas ces choses-là,
mais que c'était le rôle des philosophes. "Il
faut donc, dit Epicure, que j'aille les
trouver, puisque ce sont eux qui connaissent la vérité des choses"
anecdote rapportée par Sextus Empiricus dans contre les mathématiciens et par DL.
Le statut des dieux chez Epicure
Intervention à propos des dieux d'Epicure
On
retrouve les mêmes difficultés d'interprétation que pour Spinoza concernant
la compréhension de la position religieuse d'Epicure. Pour André Comte-Sponville ou Pierre
Vesperini, Epicure croyait aux dieux ce à quoi s'oppose Marcel Conche et Renée Koch-Piettre
qui y voient, comme nous, un athéisme dissimulé. Certes,
Epicure et Lucrèce nous disent tous deux textuellement que les dieux
existent (Lettre à Ménéce; De la nature des choses) et pourtant la
plupart des lecteurs de Lucrèce y ont vu et continuent d'y voir un athéisme. Cicéron nous dit (de la nature de dieux, I) qu'Epicure masque son athéisme à cause des problèmes rencontrés par les précédent élèves
de Démocrite. En effet, une loi
athénienne interdisait l'impiété et plusieurs disciples de Démocrite (Protagoras, Diagoras « l’athée » de Mêlos) ont subi
des persécutions: livres brûlés, exil, condamnation à mort... De même,
Anaxagore a aussi été arrêté pour impiété et ne dû son salut qu'à
l'intervention de Périclès.
Démocrite
avait expliqué que rien sauf l'univers infini pouvait être éternel, ce
qui semblait de fait abolir la divinité, comme le remarque Cicéron.
Epicure reprend ce raisonnement de Démocrite pour démontrer la mortalité
de l'âme, du monde et de toute chose finie ; et s'il semble concéder
l'existence de dieux éternels, ceux-ci ont seulement pour lui une
existence imaginaire, bien que l'imagination, la croyance et la
superstition humaine faisant aussi partie du réel, il se propose de les
expliquer avec la théorie des images de Démocrite:
"Épicure
dit en d’autres endroits que les dieux sont intelligibles : les uns
n’ont qu’une existence abstraite, les autres, ressemblance qui leur
vient d’une affluence continuelle de figures semblables, ont un aspect
proche de la figure humaine" (Diogène Laerce, Livre X).
"Leur apparence toutefois n'est pas à proprement parler celle d'un corps, mais de quelque chose qui ressemble à un corps. [...] les dieux n'ont pas de réalité, ce ne sont que des apparences. [...] Par les dieux mêmes dont nous parlons, que signifie tout ce discours?
S'ils n'ont d'existence que pour l'imagination (que pour la pensée/l'intellect), s'ils n'ont aucune
consistance, aucune réalité, quelle différence y a-t-il entre l'idée
d'un dieu et celle d'un hippocentaure? Les autres philosophes
considèrent une représentation mentale de cette sorte comme une chose
parfaitement vaine, vous appelez cela l'entrée, la pénétration des
images dans les âmes [...] Tout
ce dévergondage a son origine dans Démocrite, mais on a dirigé contre
lui quantité d'objections et vous n'y répondez pas mieux que lui, toute
cette théorie est chancelante et boiteuse.[...]
Épicure a, en paroles, laissé subsister les dieux pour ne pas choquer les Athéniens, mais en réalité il les a supprimés[...] Posidonius, notre ami à tous, est assez dans le vrai
quand, dans son cinquième livre sur la nature des dieux, il expose
qu'Épicure ne croyait pas à l'existence d'êtres divins et que ce qu'il
dit des immortels, il le dit pour ne pas se rendre odieux: il n'était
pas assez insensé, en effet, pour s'imaginer qu'un dieu ressemble à un
homme uniquement par les lignes du corps mais n'a aucune consistance,
qu'il possède des membres, mais n'en fait aucun usage, que c'est un
être sans épaisseur et translucide, qui ne fait rien pour personne, ne
rend aucun service, parfaitement indifférent, totalement inactif. En
premier lieu on ne conçoit pas l'existence de pareil assemblage de
caractères. Épicure s'en rend compte et supprime la chose en gardant le
mot." (Ciceron, de la nature de la divinité, livre 1)
Conceptuellement
on a donc affaire à une sorte d'athéisme. En revanche, au niveau affectif, il y a
tout de même, comme chez Spinoza et Einstein, quelque chose qui diffère
nettement de l'athéisme moderne: une sorte de religiosité naturelle.
“Epicure
observait toutes les formes de culte et enjoignait ses amis de les
observer, non seulement en raison des lois, mais aussi pour des causes
naturelles” (Philodème, Us 13).
Remarquons
qu'Epicure et Spinoza réinterprètent tous deux la piété religieuse sous une
forme compatible avec leur philosophie rationaliste:
"La
piété, ce n'est pas se montrer à tout instant la tête voilée devant une
pierre, ce n'est pas s'approcher de tous les autels, ce n'est pas se
prosterner sur le sol la paume ouverte en face des statues divines, ce
n'est pas arroser les autels du sang des animaux, ni ajouter les
prières aux prières ; mais c'est bien plutôt regarder toutes choses de
ce monde avec sérénité."
Lucrèce, V, 1198.
"J'appelle piété le désir de faire du bien dans une âme que la raison conduit "
Spinoza, Ethique IV, 37, scolie I.
Maximes Capitales
I.
Ce qui est bienheureux et incorruptible n’a pas soi-même d’ennuis ni
n’en cause à un autre, de sorte qu’il n’est sujet ni aux colères ni aux
faveurs ; en effet, tout cela se rencontre dans ce qui est faible.
II.
La mort n’a aucun rapport avec nous ; car ce qui est dissous est
insensible, et ce qui est insensible n’a aucun rapport avec nous.
III.
La suppression de tout ce qui est souffrant est la limite de la
grandeur des plaisirs. Et là où se trouve ce qui ressent du
plaisir, tout le temps qu’il est, là n’est pas ce qui est souffrants,
affligé, ou les deux.
IV.
Ce qui, dans la chair, est continuellement souffrant, ne dure pas
; en fait, sa pointe extrême est présente un très court instant,
tandis que ce qui, dans la chair, est seulement en excès par rapport à
ce qui éprouve le plaisir, se trouve concomitant peu de jours ;
et dans le cas des maladies chroniques, ce qui dans la chair ressent du
plaisir l’emporte sur ce qui est souffrant.
V.
Il n’est pas possible de vivre avec plaisir sans vivre avec prudence,
et il n’est pas possible de vivre de façon bonne et juste, sans vivre
avec plaisir. Qui ne dispose pas des moyens de vivre de façon
prudente, ainsi que de façon bonne et juste, celui-là ne peut pas vivre
avec plaisir.
VII
. Certains ont voulu devenir réputés et célèbres, se figurant
qu’ainsi ils acquerraient la sécurité que procurent les hommes ;
en sorte que, si la vie de tels hommes a été sûre, ils ont reçu en
retour le bien de la nature ; mais si elle n’a pas été sûre, ils
ne possèdent pas ce vers quoi ils ont tendu au début, conformément à ce
qui est le propre de la nature.
VIII
. Nul plaisir n’est en soi un mal ; mais les causes productrices
de certains plaisirs apportent de surcroît des
perturbations bien plus nombreuses que les plaisirs.
IX.
Si tout plaisir se condensait, et s’il durait en même temps qu’il était
répandu dans tout l’agrégat, ou dans les parties principales de notre
nature, les plaisirs ne différeraient jamais les uns des autres.
X
. Si les causes qui produisent les plaisirs des gens dissolus
défaisaient les craintes de la pensée, celles qui ont trait aux
réalités célestes, à la mort et aux douleurs, et si en outre elles
enseignaient la limite des désirs, nous n’aurions rien, jamais, à leur
reprocher, eux qui seraient emplis de tous côtés par les plaisirs, et
qui d’aucun côté ne connaîtraient ce qui est souffrant ou affligé, ce
qui est précisément le mal.
XI
. Si les doutes sur les réalités célestes ne nous perturbaient
pas du tout, ni ceux qui ont trait à la mort, dont on redoute qu’elle
soit jamais quelque chose en rapport avec nous, ou encore le fait de ne
pas bien comprendre les limites des douleurs et des désirs, nous
n’aurions pas besoin de l’étude de la nature.
XII
. Il n’est pas possible de dissiper ce que l’on redoute dans les
questions capitales sans savoir parfaitement quelle est la nature du
tout –au mieux peut-on dissiper quelque inquiétude liée aux mythes
; de sorte qu’il n’est pas possible, sans l’étude de la nature,
de recevoir en retour les plaisirs sans mélange.
XIII.
Il n’y a aucun profit à se ménager la sécurité parmi les hommes, si ce
qui est en haut reste redouté, ainsi que ce qui est sous terre et en
général ce qui est dans l’illimité.
XIV
. Si la sécurité que procurent les hommes est due jusqu’à un certain
degré à une puissance bien assise et à l’abondance, la plus pure des
sécurités st celle qui vient de la tranquillité, et de la vie à l’écart
de la foule.
XV
. La richesse de la nature est à la fois bornée et facile à atteindre
; mais celle des opinions vides se perd dans l’illimité.
XVI
. Faiblement sur le sage la formule s’abat : le raisonnement a
ordonné les éléments majeurs et vraiment capitaux, et tout au long du
temps continu de la vie les ordonne et les ordonnera.
XVII . Le juste est le plus à l’abri du trouble, l’injuste est rempli par le plus grand trouble.
XVIII
. Dans la chair, le plaisir ne s’accroît pas une fois que la douleur
liée au besoin est supprimée, mais varie seulement. Mais pour la
pensée, la limite qui est celle du plaisir naît du décompte de ces
réalités mêmes, et de celles du même genre, qui procurent les plus
grandes peurs à la pensée.
XIX
. Un temps illimité comporte un plaisir égal à celui du temps limité,
si l’on mesure les limites du plaisir par le raisonnement.
XX
. La chair reçoit les limites du plaisir comme illimitées, et c’est un
temps illimité qui le lui prépare. De son côté, la pensée,
s’appliquant à raisonner sur la fin et la limite de la chair, et
dissipant les peurs liées à l’éternité, prépare la vie parfaite – ainsi
nous n’avons plus besoin en quoi que ce soit du temps illimité ;
mais elle ne fuit pas le plaisir, et pas davantage, lorsque les
circonstances préparent la sortie de la vie, elle ne disparaît comme si
quelque chose de la vie la meilleure lui faisait défaut.
XXI
. Celui qui connaît bien les limites de la vie sait qu’il est facile de
se procurer ce qui supprime la souffrance due au besoin, et ce qui
amène la vie tout entière à sa perfection ; de sorte qu’il n’a
nullement besoin des situations de lutte.
XXII
. Il faut s’appliquer à raisonner sur la fin qui est donnée là, et sur
toute l’évidence à laquelle nous ramenons les opinions ; sinon,
tout sera plein d’indistinction et de trouble.
XXIII
. Si tu combats toutes les sensations, tu n’auras même plus ce à quoi
tu te réfères pour juger celles d’entre elles que tu prétends être
erronées.
XXIV
. Si tu rejettes purement et simplement une sensation donnée, et si tut
ne divises pas ce sur quoi l’on forme une opinion, en ce qui est
attendu et ce qui est déjà présent selon la sensation, les affections
et toute appréhension imaginative de la pensée, tu iras jeter le
trouble jusque dans les autres sensations avec une opinion vaine, et
cela t’amènera à rejeter en totalité le critère. Mais si tu
établis fermement, dans les pensées qui aboutissent à une opinion,
aussi bien tout ce qui est attendu que tout ce qui n’a pas de
confirmation, tu ne renonceras pas à l’erreur, si bien que tu auras
supprimé toute possibilité de discuter ainsi que tout jugement sur ce
qui est correct et incorrect.
XXV
. Si en toute occasion tu ne rapportes pas chacun de tes actes à la fin
de la nature, mais tu te détournes, qu’il s’agisse de fuir ou de
poursuivre, vers quelque autre chose, tu n’accorderas pas tes actions
avec tes raisons.
XXVI
. Parmi les désirs, tous ceux qui ne reconduisent pas à la souffrance
s’ils ne sont pas comblés, ne sont pas nécessaires, mais il
correspondent à un appétit que l’on dissipe aisément, quand il semblent
difficiles à assouvir ou susceptibles de causer un dommage.
XXVII
. Parmi les choses dont la sagesse se munit en vue de la félicité de la
vie tout entière, de beaucoup la plus importante est la possession de
l’amitié.
XXVIII
. C’est le même jugement qui nous a donné confiance en montrant qu’il
n’y a rien d’éternel ni même d’une longue durée à redouter, et qui a
reconnu que la sécurité de l’amitié, dans cela même qui a une durée
limitée, s’accomplit au plus haut point.
XXIX
. Parmi les désirs (non nécessaires), les uns sont naturels et non
nécessaires, les autres ne sont ni naturels ni nécessaires mais
proviennent d’une opinion vide.
XXX
. Parmi les désirs naturels qui ne reconduisent pas à la souffrance
s’ils ne sont pas réalisés, ceux où l’ardeur est intense sont les
désirs qui naissent d’une opinion vide, et ils ne se dissipent pas, non
pas en raison de leur propre nature, mais en raison de la vide opinion
de l’homme.
XXXI
. Le juste de la nature est une garantie de l’utilité qu’il y a à ne
pas se causer mutuellement de tort et de ne pas en subir.
XXXII
. Pour tous ceux des animaux qui ne pouvaient pas passer des accords
sur le fait de ne pas causer de tort, mais également de ne pas en
subir, pour ceux-là rien n’était juste ni injuste ; et il en
allait de même pour ceux des peuples qui ne pouvaient pas ou ne
voulaient pas passer des accords sur le fait de ne pas causer de tort
et de ne pas en subir.
XXXIII
. La justice n’était pas quelque chose en soi, mais dans les
groupements des un avec les autres, dans quelque lieu que ce fût, à
chaque fois, c’était un accord sur le fait de ne pas causer de tort et
de ne pas en subir.
XXXIV
. L’injustice n’est pas un mal en elle-même, mais elle l’est dans la
crainte liée au soupçon qu’elle ne puisse rester inaperçue de ceux qui
sont chargés de punir de tels actes.
XXXV
. Il n’est pas possible que celui qui, en se cachant, commet ce que les
hommes se sont mutuellement accordés à ne pas faire, afin der ne pas
causer de tort ni en subir, soit certain que cela restera inaperçu,
même si à partir de maintenant cela passe dix mille fois inaperçu, même
si à partir de maintenant cela passe dix mille fois inaperçu ; car
jusqu’à sa disparition, il n’y a nulle évidence que cela continue de
rester inaperçu.
XXXVI
. Considérant ce qui est commun, le juste est le même pour tous, car
c’est quelque chose d’utile dans la communauté mutuelle des hommes
; mais considérant la particularité du pays et toutes les autres
causes que l’on veut, il ne s’ensuit pas que la même chose soit juste
pour tous.
XXXVII
. Ce qui confirme son utilité dans les us de la communauté mutuelle des
hommes, parmi les choses tenues pour légalement justes, vient occuper
la place du juste, que ce soit la même chose pour tous ou non.
Mais si on l’établit seulement, sans se conformer à ce qui est utile à
la communauté mutuelle des hommes, cela n’a plus la nature du
juste. Et même si c’est l’utile conforme au juste qui vient d’en
change, du moment qu’il s’accorde un temps à la prénotion, il n’en
était pas moins juste pendant ce temps-là, pour ceux qui ne se
troublent pas eux-mêmes avec des formules vides, mais regardent le plus
possible les réalités.
XXXVIII
. Là où, sans que des circonstances extérieures nouvelles soient
apparues, dans les actions mêmes, ce qui avait été institué comme juste
ne s’adaptait pas à la prénotion, cela n’était pas juste ; en
revanche, là où, à la suite de circonstances nouvelles, les mêmes
choses établies comme justes n’avaient plus d’utilité, alors, dans ce
cas, ces choses avaient été justes, lorsqu’elles étaient utiles à la
communauté des concitoyens entre eux, et ultérieurement ne l’étaient
plus, lorsqu’elles n’avaient pas d’utilité.
XXXIX
. Celui qui a le mieux aménagé le manque de confiance causé par ce qui
est au-dehors, celui-là s’est fait un allié de ce qui pouvait l’être,
et de ce qui ne pouvait pas l’être, il n’a pas fait du moins un
ennemi. Mais ce sur quoi il n’avait même pas ce pouvoir, il ne
s’en est pas mêlé, et il a lutté pour tout ce à propos de quoi il lui
était utile de le faire.
XL
. Tous ceux qui ont pu se pourvoir de la force de la confiance, surtout
grâce à leurs proches, ont ainsi aussi vécu les uns avec les autres,
avec le plus de plaisir, le mode de vie le plus ferme, puisqu’ils
avaient la certitude ; et comme ils en avaient retiré la plus
pleine des familiarités, ils ne se sont pas lamentés, comme par pitié,
sur la disparition
Sentences Vaticanes
1. Maxime Capitale I
2. Maxime Capitale II
3.
Ce qui dans la chair est souffrant ne dure pas : en effet sa pointe
extrême est présente un très court instant, tandis que ce qui dans la
chair, est seulement en excès par rapport à ce qui éprouve le plaisir,
s’en trouve concomitant un faible nombre de jours ; et dans le
cas des maladies chroniques, ce qui dans la chair, ressent du plaisir
est plus important que ce qui est souffrant.
4.
Toute douleur peut facilement être méprisée: celle qui a la
souffrance intense a la durée brève, celle qui dure dans la chair a la
souffrance faible.
5. Maxime Capitale IV
6. Maxime Capitale XXXV
7. Il est difficile, pour qui commet l’injustice, de rester caché, mais
avoir la certitude de continuer à le rester, cela est possible.
8. Maxime Capitale XV
9. La nécessité est un mal, mais il n’y a aucune nécessité de vivre avec la nécessité.
10. Tout en ayant une nature mortelle et en disposant d'un temps
limité, tu t'es élevé grâce aux raisonnements sur la nature jusqu'à
l'illimité et l'éternité, et tu as observé: ce qui est, ce qui sera et
ce qui a été
11. Chez la plupart des hommes, ce qui est en repos est engourdi, ce qui est un mouvement est enragé.
12. La vie juste est la plus dépourvue de trouble, la vie injuste est remplie par le plus grand trouble
13.
Parmi les choses dont la sagesse se munit pour la félicité de la vie
tout entière, de beaucoup la plus importante est la possession de
l'amitié
14.
Nous sommes nés une fois, il n’est pas possible de naître deux fois, et
il faut n’être plus pour l’éternité : toi, pourtant, qui n’es pas de
demain, tu ajournes la joie ; la vie périt par le délai, et chacun de
nous meut affairé.
15. De même que nous apprécions les coutumes, celles qui nous sont
propres, qu’elles soient bonnes et enviées par les autres hommes ou
non, ainsi faut-il faire avec celles de nos voisins, s’ils sont
équitables à notre égard.
16. Personne, voyant le mal, ne le choisit, mais attiré, comme par le
bien, vers le mal plus grand que lui, on est pris au piège.
17. Ce n’est pas le jeune qui est bienheureux, mais le vieux qui
a bien vécu : car le jeune, plein de vigueur, erre, l’esprit égaré par
le sort ; tandis que le vieux, dans la vieillesse comme dans un port, a
ancré des biens qu’il avait auparavant espérés dans l’incertitude, les
ayant mis à l’abri par le moyen sûr de la gratitude.
18. Si l’on supprime la vue, et les rencontres, et la vie ensemble, la passion amoureuse disparaît.
19. Le vieux oublieux du bien passé est dans l’état de quelqu’un qui est né aujourd’hui.
20.
Parmi les désirs, les uns sont naturels et nécessaires, les autres ne
sont ni naturels ni nécessaires, mais proviennent d’une opinion vide.
21. Il ne faut pas faire violence à la nature, mais la persuader
: nous la persuaderons en contentant les désirs nécessaires, et
aussi les désirs naturels s’ils ne sont pas nuisibles, mais en
repoussant durement les nuisibles.
22. Maxime Capitale XIX
23. Toute amitié est par elle-même désirable ; pourtant elle a eu son commencement de l’utilité.
24. Les visions des rêves n’ont pas reçu en partage la nature divine ni
non plus le pouvoir divinatoire, mais elles se produisent suivant
l’impact des simulacres.
25. La pauvreté, mesurée à la fin de la nature, est grande richesse ; la richesse sans la limite est grande pauvreté.
26. Il faut voir nettement que le discours abondant et le discours bref tendent vers le même « but ».
27. Dans les autres occupations, une fois qu’elles ont été menées à
bien avec peine, vient le fruit ; mais, en philosophie, le plaisir va
du même pas que la connaissance : car ce n’est pas après avoir appris
que l’on jouit du fruit, mais apprendre et jouir vont ensemble.
28. Il ne faut approuver ni qui est trop prompt à l’amitié, ni qui est
trop lent : car il faut être prêt même à s’exposer hardiment au danger,
en faveur de l’amitié.
29. Pour ma part, je préférerais, usant de la liberté de parole de
celui qui étudie la nature, dire prophétiquement les choses utiles à
tous les hommes, même si personne ne devait me comprendre, plutôt que,
en donnant mon assentiment aux opinions reçues, récolter la louange qui
tombe en abondance, venant des nombreux.
30.
Certains tout au long de leur vie, préparent ce qui les fera vivre,
sans voir en même temps que l'on nous a versé à tous la pharmacie de la
naissance, qui est mortelle.
31. A l’égard de toutes les autres choses, il est
impossible de se procurer la sécurité, mais, à cause de la mort, nous,
les hommes, habitons tous une cité sans murailles.
32. La vénération pour le sage est un grand bien pour qui le vénère.
33. Le cri de la chair : ne pas avoir faim, ne pas avoir soif, ne pas
avoir froid. Celui qui a ces choses, et l’espoir de les avoir,
peut lutter pour le bonheur.
34. Nous ne recevons pas autant d’aide, de la part des amis, de
l’aide qui nous vient d’eux, que de la confiance au sujet de cette aide.
35. Il ne faut pas gâter les choses présentes par le désir des
absences, mais considérer que le présent fait également parti de nos
vœux.
36.
la vie d'Epicure, comparée à la vie des autres hommes, pourrait être
considérée, en raison de sa douceur et de sa suffisance à soi, comme
une fable
37. Faible, la nature est en relation avec le mal, non avec le bien :
par les plaisirs, en effet, elle est conservée, mais, par les douleurs,
elle est détruite.
38. Homme de rien du tout que celui aux yeux de qui nombreuses sont les bonnes raisons de quitter la vie.
39. N’est ami ni celui qui cherche toujours l’utile, ni celui qui
jamais ne le joint à l’amitié : car le premier, avec le bienfait, fait
trafic de ce qui se donne en échange, l’autre coupe le bon espoir pour
l’avenir.
40. Celui qui dit que tout arrive par la nécessité n’a rien à reprocher
à celui qui dit que tout n’arrive pas par la nécessité, puisqu’il dit
que cela même arrive par la nécessité.
41. Il faut rire et ensemble philosopher et gouverner sa maison et user
de toutes les autres choses qui nous sont propres, et ne jamais
cesser de proclamer les maximes de la droite philosophie.
42. Le même temps est à la fois celui de la naissance du plus grand bien et celui de la délivrance.
43. Aimer l’argent en enfreignant la justice est impie, sans
l’enfreindre est laid : car il est malséant sordidement,
même en respectant la justice.
44. Le sage, confronté aux nécessités de la vie, sait, dans le partage,
plutôt donner que prendre : si grand est le trésor de la suffisance à
soi-même qu’il a trouvé.
45. Ce ne sont pas des fanfarons, ni des artistes du verbe, ni des gens
qui font étalage de la culture jugée enviable par la foule, que forme
l’étude de la nature, mais des hommes fiers et indépendants, et
s’enorgueillissant de leurs biens propres, non de ceux qui viennent des
circonstances.
46. Chassons complètement les mauvaises habitudes, comme des hommes
méchants qui nous ont fait beaucoup de mal pendant longtemps.
47.
Je t’ai devancée Fortune et j’ai fait pièce à toutes tes intrusions. Et
nous ne nous livrerons nous-même à toi ni à aucune autre sorte
d’embarras, mais lorsque l’inéluctable nous ferra partir, lançant un
grand crachat sur la vie et sur ceux qui s’attachent à elle, nous
sortirons de la vie, clamant en un péan plein de beauté que nous avons
bien vécu.
48.
Essayons de faire de la prochaine étape soit meilleure que la
précédente, tant que nous sommes en route, mais arrivés à terme, que la
joie reste unie.
49. Maxime Capitale XII
50. Maxime Capitale VIII
51.
Tu m’apprends que le mouvement de ta chair est fort généreux pour la
relation amoureuse : pour ce qui te concernes, si tu ne renverses pas
les lois, si tu n’ébranles pas les bonnes coutumes en place, si tu
n’afflige pas l’un de tes proches, si tu n’épuises pas ta chair et si
tu ne sacrifies pas les nécessité vitales, exerce ton penchant à ta
guise ; il est toutefois impossible de ne pas se trouver soumis à
l’un de ces inconvénients : les choses de l’amour en effet sont jamais
profitables, et il faut se réjouir qu’elles ne nous nuisent pas.
52.
L’amitié mène sa ronde autour du monde habité, comme un héraut nous
appelant tous à nous réveiller pour nous estimer bienheureux.
53. Il ne faut envier personne : les bons ne sont pas dignes d’envie,
et les méchants, plus ils réussissent plus ils se font de mal à
eux-mêmes.
54. Il ne faut pas faire semblant de philosopher, mais
philosopher pour de bon ; car nous n’avons pas besoin de paraître en
bonne santé, mais de l’être vraiment.
55. Il faut guérir les malheurs par le souvenir
reconnaissant de ce que l’on a perdu, et par le savoir qu’il n’est pas
possible de rendre non accompli ce qui est arrivé.
56. Le sage ne souffre pas plus s’il est torturé que si son ami est mis à la torture.
57. Sa vie toute entière sera, par le manque de certitude, jetée dans la confusion et l’incapacité d’aller de l’avant.
58. Il faut se libérer de la prison des occupations quotidiennes et des affaires publiques.
59. Ce n’est pas le ventre qui est insatiable, comme le dit la foule,
mais l’opinion fausse au sujet de la réplétion illimitée du ventre.
60. Tout homme sort de la vie comme s’il venait juste de naître.
61. Très belle aussi est la vue de ceux qui nous sont proches, quand
les liens premiers de parenté concourent à l’union : car elle produit
beaucoup de zèle en vue de cela.
62. Si c’est légitimement que les parents se mettent en colère contre
les enfants, il est certes, sans objet, de résister et de ne pas
demander à obtenir le pardon ; si ce n’est pas légitimement mais d’une
manière déraisonnable, il est tout à fait ridicule d’enflammer leur
déraison en nourrissant sa propre colère, et de ne pas chercher, par
d’autres dispositions, à les changer en parents bienveillants.
63. Il y a, même dans les restrictions, une mesure : celui qui n’en
tient pas compte se trouve à peu près dans la situation de celui qui
s’égare par manque de limitation.
64. Il faut que la louange des autres suive spontanément, et nous, nous en tenir à la guérison de nous-mêmes.
65. Il est sot de demander aux dieux ce que l’on peut se procurer par soi-même.
66. Soyons en sympathie avec nos amis non en gémissant, mais en méditant.
67. Une vie libre ne peut pas acquérir de grandes richesses, parce que
la chose n’est pas facile sans se faire le serviteur des assemblées
populaires ou des monarques, mais elle possède tout dans une abondance
incessante ; et s’il lui arrive de disposer de grandes richesses,
facilement aussi elle les distribue, en vue de la bienveillance du
voisin.
68. Rien n’est suffisant pour celui pour qui le suffisant est peu.
69. L’ingratitude de l’âme rend le vivant avide à l’infini des variétés dans le genre de vie.
70. Puisses-tu ne rien faire dans ta vie qui te causera de la crainte si cela est connu du voisin.
71. A tous les désirs, il faut appliquer cette question : que
m’arrivera-t-il si est accompli ce qui est recherché conformément à mon
désir, et quoi si ce n’est pas accompli ?
73. Même le fait que certaines douleurs se produisent dans le corps est
utile pour nous mettre en garde contre celles du même genre.
74. Dans la recherche en commun par la discussion, celui qui est vaincu gagne plus, dans la mesure où il a accru son savoir.
75. Ingrate envers les biens passés, la maxime disant « Regarde la fin d’une longue vie ».
76. Tu es en vieillissant tel que moi je conseille d’être, et tu as su
bien distinguer ce qu’est philosopher pour la Grèce : je m’en réjouis
avec toi.
77. Le fruit le plus grand de la suffisance à soi-même : la liberté.
78. L’homme bien né s’adonne surtout à la sagesse et à l’amitié : desquelles l’une est un bien mortel, l’autre un bien immortel.
79. Celui qui est sans trouble n’est à charge ni à lui-même, ni aux autres
80. Pour le jeune homme, la principale part du salut est la
sauvegarde de la jeunesse, et la vigilance contre ce qui se salit tout
en suivant les désirs furieux.
81. Ne délivrent du désordre de l’âme ni non plus n’engendrent une
joie digne qu’on en parle : ni la richesse la plus grande qui soit, ni
l’honneur et la considération dont on jouit auprès du grand nombre, ni
rien d’autre qui dépende de causes sans limites définies.
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