Les Stades de
l'Incroyance Religieuse



Croyance Forte: le Théisme

Croyance Faible: le Déisme

Neutralité: l'Agnosticisme

Incroyance Faible: l'Athéisme

Incroyance Forte: le Rationalisme Cosmique


   Nous examinons ici les arguments philosophiques qui lient les différents stades de l’incroyance religieuse, de la foi au bon dieu transcendant au rationalisme cosmique d’Einstein.



Niveau zéro: le Théisme

        La croyance religieuse traditionnelle repose sur l’existence d’un dieu conçu comme une personne bienveillante et intelligente qui a créé le monde. Dieu règne haut dessus  de la nature et intervient dans le cours des événements. Comme il n'est pas soumis aux lois de la physique, il peut même éventuellement faire des miracles. Les croyants disent souvent que la science  ne peut pas prouver que dieu n’existe pas, pourtant si on introduit cette idée dans une théorie décrivant le monde alors on devra constater que la simple observation du mal sur Terre équivaut à une réfutation expérimentale de la théorie, qui semble donc devoir être rejettée. Oui n’en déplaisent aux philosophes complaisant avec les religions, l’actualité quotidienne réfute chaque jour cette conception de dieu. L’existence du mal sur Terre est incompatible avec l’existence d’un dieu à la fois bienveillant et tout-puissant.
    Certaines idées qui semblent réfutées à première vue, peuvent malgré parfois être sauvées par une compréhension plus profonde. Y a-t-il un moyen subtil d’expliquer le mal sur terre sans réfuter l’existence d’un dieu bon ?

    Pour St-augustin, l’homme est souillé par le péché originel, qui se transmet désormais de génération en génération. Ainsi, l’enfant qui nait aveugle ou malformé est en fait puni  par dieu car il était déjà coupable. Le problème de cette explication est qu’elle s’accorde mal avec notre conception de la morale où les enfants ne sont jamais responsables des crimes de leurs parents.

    Leibniz a proposé une autre explication. Selon lui, Dieu a un plan caché mais ses voies sont impénétrables. Ce que nous croyons être un monde chaotique avec des accidents et des injustices quotidiennes sont en fait des actions nécessaires et ordonnées par Dieu pour un but qui nous échappe. Les ouragans, les épidémies, les guerres tout cela est en fait très bon. Le problème avec cette explication c’est que si l’homme ne comprend donc à ce point, rien de rien, de sa réalité la plus immédiate, alors il est saugrenu de prétendre affirmer quoi que ce soit concernant une hypothétiques entité métaphysique aussi éloignée comme dieu, et donc le scepticisme et non la croyance devrait l’emporter.

    Face à l’échec des théologiens à réconcilier clairement l’existence du mal avec l’idée d’un dieu bon et tout-puissant, vient donc ensuite la conception déiste.



Niveau un: le Déisme

    Le déisme est la croyance en un Dieu surnaturel,  désormais seulement conçu comme un simple "grand horloger" disait Voltaire. Dieu a certes créé l'univers, mais comme on peut le constater il ne se soucie pas de sa création. Le déiste croit en dieu. Pour lui, Le monde est trop bien agencé pour n’être que le fruit du hasard. Dieu est un artiste extraordinaire qui a fait la grande œuvre de la nature mais il la laisse désormais évoluer librement, pour le meilleur et pour le pire. Puisque dieu ne se soucie pas de nous, nous n’avons guère besoin de nous soucier de lui. De plus, si ce dieu a finalement échoué à faire un monde et des créatures parfaites, pourquoi aurait-il le pouvoir ou même le désir de se rattraper après notre mort ? L’existence du paradis biblique parait ainsi fortement compromise et le doute se renforce.
   


Niveau deux: l'Agnosticisme

    Constatant l'incapacité générale de l'être humain à pouvoir répondre aux questions métaphysiques, vient ensuite l'agnostique pour qui l'on ne peut pas prétendre savoir s'il existe ou s'il n'existe pas un être surnaturel à l'origine de l'univers. C’est la position du philosophe grec Protagoras qui déclarait: « Pour ce qui est des dieux, je ne peux savoir ni si ils existent ni s’ils n’existent pas, ni quel serait leur aspect. Énormément de choses empêchent de le savoir : en premier lieu l'absence d'indications à ce propos, ensuite la brièveté de la vie humaine.»
    Ainsi L'Agnostique ne tranche pas et décide de renvoyer les croyants et les incroyants dos-à-dos. Outre sa sagesse apparente, la position agnostique présente toutefois le très grand défaut de mettre les deux possibilités sur un même pied d'égalité.



Niveau trois: l'Athéisme

    Ainsi vient donc ensuite l'Athée, qui fait remarquer que les deux possibilités ne se valent pas. L’athée voit que Dieu est avant-tout une idée humaine ce qui rend son existence physique ou métaphysique très peu probable. 
En effet, d’où nous vient l’idée de dieu ? Platon, nous dit : cherche la cause d’une chose, puis la cause de la cause, puis la cause de la cause et et au bout tu trouveras la cause première incausée, c’est-à-dire dieu. Toutefois, le raisonnement qui introduit l'idée d'un dieu incausé au nom de la Causalité est complètement fallacieux, puisqu'il abolit le principe sur lequel il s'appuie.  En effet, une cause incausée viole le principe de Causalité, or c’est au nom de ce principe que les religieux affirment l’existence de leur dieu. C’est bien pour avoir une cause à l’origine de l’univers que les théologiens prétendent déduire l’existence de dieu. En conséquence, si au final on est prêt à accepter l’idée que dieu puisse exister tout seul, sans cause, pourquoi ne pas simplifier le problème et envisager que l’univers puisse exister seul, sans besoin d’une action divine extérieure ?

    Diderot ridiculisait ce déplacement du problème:  Un phénomène est-il, à notre avis, au-dessus de l'homme ? nous disons aussitôt : c'est l'ouvrage d'un Dieu ; notre vanité ne se contente pas à moins. Ne pourrions-nous pas mettre dans nos discours un peu moins d'orgueil, et un peu plus de philosophie ? Si la nature nous offre un nœud difficile à délier laissons le pour ce qu'il est et n'employons pas à le couper la main d'un être qui devient ensuite pour nous un nouveau nœud plus indissoluble que le premier. Demandez à un Indien pourquoi le monde reste suspendu dans les airs, il vous répondra qu'il est porté sur le dos d'un éléphant et l'éléphant sur quoi l'appuiera-t-il ? sur une tortue ; et la tortue, qui la soutiendra ?... Cet Indien vous fait pitié et l'on pourrait vous dire comme à lui : mon ami, confessez d'abord votre ignorance, et faites-moi grâce de l'éléphant et de la tortue. » Ainsi Dieu n’est d’aucune utilité en métahysique.

     Feuerbach poursuit la déconstruction de ce concept en montrant que Dieu est d’abord un produit de l’imagination humaine pour combler nos désirs et nos frustrations. Dieu est le produit de la détresse humaine, rien de plus. oh Il existe oui mais seulement dans la tête des hommes. Si l’homme ne peut rien conclure de définitif sur le plan métaphysique, il peut tout de même analyser dieu sur le seul terrain accessible à lui, et sur ce terrain là le concept perd toute sa puissance. Nietzche conclut Dieu est mort.



Niveau quatre: le Rationalisme cosmique

      On pense généralement que l’athéisme constitue le stade le plus radical d’incroyance religieuse. Il y a pourtant bien un stade encore plus profond, trop souvent négligé, ignoré et incompris, alors que c'est pourtant là que se trouve les meilleurs philosophes...
    Il existe de nos jours des scientifiques qui pensent pouvoir approcher si près des secrets les plus fondamentaux de l'univers qu'ils entrevoient la compréhension du tout. C'est ainsi qu'après l'athée vient le rationaliste cosmique qui sent que son esprit peut parvenir à la compréhension la plus profonde des structures de l’univers.

    Einstein disait : "je veux savoir comment Dieu a créé ce monde, je ne suis pas intéressé par tel ou tel phénomène, par le spectre de tel ou tel élément. Je veux connaître ses pensées. Tout le reste n’est que détails" “Ce qui m'intéresse vraiment, c'est de savoir si Dieu avait un quelconque choix en créant le monde, c’est-à-dire si la nécessité issue de la simplicité logique laisse ou non un quelconque degré de liberté”

    Il est évident qu’Einstein faisait ici un emploi métaphorique et poétique du mot dieu pour désigner une toute autre chose que le dieu personnel des religions. En fait cette position philosophique cache un niveau d’incroyance encore plus profond que le simple athéisme. En effet, bien que l'athée rejette et ridiculise le concept de dieu, il ne reste qu’un homme et est démuni face aux grandes questions métaphysiques qui semblent devoir rester à jamais insurmontables et constituent ainsi la source d'un éternel espace pour la croyance religieuse.

    Au contraire, le rationaliste cosmique affirme avoir entrevu ce qui a engendré et gouverne tout l'univers.  Il connait le principe ultime, autrement dit "il connait Dieu", ce qui abolit de fait toute espace pour la croyance. Mais cette connaissance du principe le plus fondamental de la réalité exclut radicalement la manière dont les croyants se l'imaginent et les religions nous le représentent.

    Le rationaliste cosmique sait pourquoi l’univers flotte seul dans l’existence, sans besoin d’un dieu à l’extérieur pour soutenir le monde. Il s'éprouve capable de découvrir la structure du cosmos par la puissance de sa pensée, un sentiment étranger aux religions révélées comme au simple athéisme et qu'Einstein qualifiait de "religiosité cosmique".


En effet, parce cet athéisme supérieur abouti à un nouvel absolu métaphysique, il fait paradoxalement en même temps renaitre quelque chose qui rappel le religieux
Einstein  résumait cette curieuse situation: « je suis un incroyant profondément religieux. »


Suite à l’influence d’Einstein, beaucoup ont pris l’habitude d’employer le vocabulaire religieux pour décrire la recherche scientifique, mais c’est là souvent des emplois maladroits et la source de nombreuses incompréhensions pour le public.

Einstein a puisé l’essentiel de ces conceptions chez Spinoza, philosophe hollandais du XVII siècle, et l’on peut trouver d’autres racines dès l’antiquité. Toutefois la lecture de ces philosophes est très difficile, et n’est plus entièrement adaptée à la vision du monde apportée par les sciences contemporaines, ni aux problèmes et questions actuelles.


    Constatant l’absence de philosophe ayant réellement repris et approfondit ce courant philosophique, je me suis employé à le réactualiser et aussi à le rendre plus accessible. J’ai rédigé pour cela un livre disponible gratuitement dans le lien de la description. Il s’adresse à tous ceux qui voudront mieux comprendre cette position philosophique.



Le livre l'Amour de la Raison Universelle par le philosophe Willeime


         ► Présentation Générale de l'essai: « l’Amour de la Raison Universelle »


         ► Einstein, Dieu et la "Religiosité Cosmique"


         ► Le rationalisme intégral dans l'historie de la philosophie

Difficultés de compréhension et erreurs courantes d’interprétation de Spinoza


La Philosophie des Lumières contre le Dieu d'Aristote


La corruption de la philosophie par le spiritualisme et la religion


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