Parallèles entre l’Ethique de Démocrite et celle d’Epicure
L’heureuse disposition de l’âme: l'ataraxie
Démocrite: « L’heureuse disposition de l’âme naît de la modération du plaisir et de la mesure de la vie » DK B-CXCI « Démocrite appelle le bonheur tranquillités, bien-être et harmonie, ainsi que congruence et ataraxie ». DK A-CLXVII
Selon Diogène Laerce, pour Démocrite
« Le souverain bien est le bonheur ou « euthymie », très différent du plaisir, contrairement à ce qu’ont cru ceux qui
l’ont mal compris, attitude dans laquelle l’âme est en repos et
calme, et ne se laisse troubler par aucune crainte, superstition, ou affection.
Il l’appelle de divers noms, entre autres de celui de « bonne
humeur »
Epicure: « L’ataraxie,
l’absence de douleur sont des plaisirs en repos » DL.
La béatitude naît de la connaissance rationnelle de la nature
Démocrite: « [Démocrite] faisait résider le bonheur dans la connaissance des choses » DK B-CLXIX (hors recueil de maximes)
Epicure: « Je recommande l’étude constante de la Nature, grâce à laquelle je jouis dans ma vie d’une sérénité parfaite » (lettre à Hérodote) « Dans les autres occupations, la jouissance vient une fois qu’elles ont été menées à bien, mais, en philosophie, le plaisir va du même pas que la connaissance: car ce n’est pas après avoir appris que l’on éprouvons la joie, mais pendant la recherche même. » MV 27 (voir aussi Us 219).
Le bien immortel
Démocrite: « Le mieux pour l’homme est de passer sa vie de la façon la plus heureuse possible. Il faut pour y parvenir ne pas faire résider les plaisirs dans les choses mortelles » DK B-CLXXXIX
Epicure: « II n’a plus rien de commun avec les mortels, l’homme qui vit au milieu de biens immortels. » lettre à Ménécée « L'homme est un malade qui ne sait pas la cause de son mal. S'il la pouvait trouver, il s'appliquerait avant tout, laissant là tout le reste, à étudier la nature ; car c'est d'éternité qu'il est question, non pas d'une seule heure ; il s'agit de connaître ce qui attend les mortels dans cette durée sans fin qui s'étend au delà de la mort. » Lucrèce
Les sceptiques ne peuvent pas prouver qu’ils ont raison d’être sceptiques
« Démocrite a fait tenir aux sens les propos suivants qui s’adressent à l’entendement « Misérable raison c’est de nous que tu tires les éléments de ta croyance, et tu prétend nous réfuter ! Tu te terrasses toi-même en prétendant nous réfuter » DK B-CXXV (Galien, de la médecine empirique, fgm H schône, 1259,8 ; p 530) (hors recueil de maximes)
Epicure: « si tu combats toutes les sensations tu n’auras plus ce à quoi tu te
réfères pour juger celles d’entre elles que tu prétends erronées »
MC XXIII (voir aussi la XXIV et Lucrèce ,I, 693)
Note: Démocrite doute des sensations et conclut que seule la Raison pure mène à la vérité. Epicure affirme que la sensation est toujours vraie, mais que c’est l’esprit qui l’interprète mal, mais ils sont tous les deux d’accord pour refuser le scepticisme de Pyrrhon.
La nature est neutre
L’inexistence des enfers
Démocrite: “Bien qu’ils ignorent la décomposition de notre nature mortelle, certains hommes, conscients des mauvaises actions dont leur vie est remplie, passent misérablement en troubles et en frayeur le temps qui leur reste à vivre, inventant des fables mensongères sur le temps qui fait suite à la mort ” DK B-CCXCVII
Epicure: « La mort n’a aucun rapport avec nous ; car ce qui est dissous est insensible, et ce qui est insensible n’a aucun rapport avec nous » MC II. « Cerbère et les Furies et l'Enfer privé de lumière, le Tartare dont les gouffres vomissent des flammes terrifiantes, tout cela n'existe nulle part et ne peut exister. » Lucrèce livre III « pareils aux enfants qui tremblent et s'effraient de tout dans les ténèbres aveugles, c'est en pleine lumière que nous-mêmes, parfois, nous craignons des périls aussi peu redoutables que ceux dont s'épouvantent les enfants dans les ténèbres et qu'ils imaginent tout près d'eux. Ces terreurs, ces ténèbres de l'esprit, il faut donc pour les dissiper, non les rayons du soleil ni les traits lumineux du jour, mais l'étude rationnelle de la nature » Lucrèce III
La nature des Dieux
« [Démocrite] pense que l’univers renferme des images dotées d’un caractère divin » DK A-LXXIV (hors recueil de maximes)
« Épicure: [certains dieux] n’ont qu’une existence abstraite » DL
Ne demande pas aux dieux de t’aider
Epicure: « Il est sot de demander aux dieux ce que l’on peut se procurer par soi-même. » MV 65
Les insensés se jettent à la mort
Démocrite: « Les insensés qui prétendent détester la vie n’en veulent pas moins vivre par la crainte de l’Hadès. » B-CXCIX « En fuyant la mort les hommes se lancent à sa poursuite » B-CCIII
Lucrèce: « Souvent même la peur de la mort inspire aux humains un tel dégoût de la vie et de la lumière qu'ils vont dans leur désespoir jusqu'à s'assurer de leurs mains le trépas, sans se souvenir que la source de leur souffrance était cette peur elle-même » Lucrèce III (voir aussi Us 496, lucil 24)
Les insensés passent à côté des plaisirs de la vie
Démocrite: « Les insensés désirent vivre une longue vie sans savoir se réjouir de cette longue vie. » DK B-CCI « Les insensés vivent sans jouir de ce qu’offre la vie » DK B-CC « De toute leur vie, les insensés ne connaissent nul plaisir » DK B-CCIV
Lucrèce: «Pourquoi la mort te fait-elle gémir et pleurer ? Si la vie jusqu'à ce jour t'a été douce, si tous tes plaisirs n'ont pas été s'entassant dans un vase sans fond et si donc ils ne se sont pas écoulés et perdus, que ne te retires-tu de la vie en convive rassasié ? Es-tu sot de ne pas prendre de bonne grâce un repos qui ne sera plus troublé ! Mais si toutes tes jouissances se sont consumées en pure perte et si la vie n'est plus pour toi que blessure, quelle idée de vouloir la prolonger d'un moment, lequel à son tour finirait tristement et tomberait tout entier inutile. Ne vaut-il pas mieux mettre un terme à ta vie et à ta souffrance ? ».
Les insensés sont des vivants déjà morts
Démocrite: « La vie vicieuse sans raison, sans tempérance, et sans piété, Démocrite disait d’elle non qu’elle est une vie vicieuse, mais une mort qui dure longtemps » DK B-CLX (hors recueil de maximes)
Lucrèce : « Tu as beau vivre et jouir de la vue, ta vie n'est qu'une mort, toi qui en gaspilles la plus grande part dans le sommeil et dors tout éveillé, toi que hantent les songes, toi qui subis le tourment de mille maux sans parvenir jamais à en démêler la cause, et qui flottes et titubes, dans l'ivresse des erreurs qui t'égarent. »
Le prolongement de la vie
Démocrite: « Les sots souhaitent vivre, car ils ne craignent que la mort, au lieu de craindre la vieillesse.” DK B-CCV « les insensés parce qu’ils craignent la mort veulent vivre vieux » DK BCCVI « la vieillesse est un délabrement général: elle possède tout mais manque de tout » DK B-CCXCVI
Lucrèce: « pourquoi donc vouloir plus longue vie ? Qu’en serait-il retranché du temps qui appartient à la mort ? Nous ne pourrions rien en distraire qui diminuât la durée de notre néant. Ainsi tu aurais beau vivre assez pour enterrer autant de générations qu'il te plairait : la mort toujours t'attendra, la mort éternelle, et le néant sera égal pour celui qui a fini de vivre aujourd'hui ou pour celui qui est mort il y a des mois et des années. »
Le suicide
Démocrite: « Démocrite, lorsque le poids de l'âge l'avertit que les ressorts de la mémoire faiblissaient en lui, alla de lui-même offrir sa tète à la mort » (Lucrèce, III, ; confirmé par DL)
Epicure: « Cherche bien lequel est plus commode, que la mort vienne à nous, ou nous à elle. » lucil 26
Eloge du vieillard
Démocrite: « Le vieillard a été jeune mais le jeune homme on ne sait pas si il atteindra la vieillisse. Donc le bien accompli l’emporte sur le bien encore à venir qui nous est inconnu » DK B-CCXCV
Epicure: « Ce n’est pas le jeune qui est bienheureux, mais le vieux qui a bien vécu: car le jeune, plein de vigueur, erre, l’esprit égaré par le sort ; tandis que le vieux, dans la vieillesse comme dans un port, a ancré des biens qu’il avait auparavant espérés dans l’incertitude, les ayant mis à l’abri par le moyen sûr de la gratitude. » MV 17 . (Voir aussi l’éloge de la vieillisse par Diogène d’Oenenda).
La philosophie comme
médecine de l’âme
Démocrite: « la médecine guérit les maladies du corps, et la philosophie débarrasse l’âme des passions » DK B-XXXI (hors recueil de maximes)
Epicure: « la médecine ne serrait d’aucune utilité si elle ne guérissait pas les maladies du corps, de même pour la philosophie si elle ne guérissait pas les maux de l’âme » Us 221 « Il ne faut pas faire semblant de philosopher, mais philosopher pour de bon ; car nous n’avons pas besoin de paraître en bonne santé, mais de l’être vraiment » MV 54
La modération accroît le plaisir
Démocrite: « la modération accroît le plaisir, et rend la volupté encore plus grande » DK B-CCXI « les plaisirs les plus rares sont les plus délicieux » DK B-CCXXXII
Epicure: « L’habitude d’une vie simple […] permet encore de mieux goûter une vie opulente, à l’occasion » lettre à Ménécée
Hédonisme
Démocrite: « Une vie sans fêtes est comme une longue route sans auberge » B-CCXXX
Epicure: « toi qui ne serras plus demain, tu diffère la joie, mais la vie périe par le délai, et chacun d’entre nous meurt à se priver de loisirs » MV 14 « Pour moi, je ne sais pas ce que je pourrai appeler bien, si j’ôte les plaisirs de la table, de l’amour, de la conversation, et des belles choses. » DL
Contre les débauchés: la rectitude de la pensée
Démocrite: « Ce ne sont ni les corps, ni les richesse qui rendent les hommes heureux, mais la rectitude de la pensée et la largeur de vue » maxime n°6 « Le bonheur est formé par la distinction et la séparation des plaisirs » DK A-CLXVII
Epicure: « ce ne sont ni les beuveries et les banquets continuels, ni la jouissance que l’on tire de la fréquentation des mignons et des femmes, ni la joie que donnent les poissons et les viandes dont on charge les tables somptueuses, qui procurent une vie heureuse, mais des habitudes raisonnables et sobres, une raison cherchant sans cesse des causes légitimes de choix ou d’aversion, et rejetant les opinions susceptibles d’apporter à l’âme le plus grand trouble. » lettre à Ménécée
Prend conscience du bonheur présent
Démocrite: « Il suffit de contempler la vie des malheureux et de considérer l’étendue de ce qu’ils endurent pour que ce que tu as et ce dont tu disposes t’apparaissent relevé et enviable et pour que tu n’ais plus à souffrir en ton âme à force de désirer toujours plus » DK B-CXCI
Note: Démocrite précise qu’« il convient puisque nous sommes hommes de ne pas rire des malheurs des hommes mais de les déplorer » maxime 74 « ceux qui trouvent plaisir aux malheurs de leurs voisins ne se rendent pas compte que les coups du sort son communs à tous et ne connaissent pas la chance qu’ils ont » DK B-CCXCIII.
Lucrèce: « Il est doux, quand la vaste mer est soulevée par les vents, d'assister du rivage à la détresse d'autrui ; non qu'on trouve si grand plaisir à regarder souffrir ; mais on se plaît à voir quels maux vous épargnent. » II,1.
Prend conscience de ce que tu possèdes
Démocrite: « Les insensés désirent ce qu’il n’ont pas mais négligent ce qu’ils ont sous la main et qui est plus profitable que ce qu’ils ont laissé partir» DK B-CCII « Sage est celui qui ne s'afflige pas de ce qui lui manque et se satisfait de ce qu'il possède» DK B-CCXXXI
Epicure: « celui qui n’est pas tout à fait satisfait de ce qu’il possède serra malheureux fut il le maître du monde » Us 474, Lucil 9
Suffisance à soi
Démocrite: « Celui qui suffit à ses besoins en nourriture ne trouve jamais la nuit courte » DK B-CCIX
Epicure: « Voix de la chair: ne pas avoir faim, ne pas avoir soif, ne pas avoir froid, celui qui dispose de cela et à l’espoir d’en disposer à l’avenir, peut lutter pour le bonheur » MV 33 (voir aussi Us 68) « Ne dépendre que de soi-même est, à notre avis, un grand bien […] Il ne s’ensuit pas qu’il faille toujours se contenter de peu. Simplement, quand l’abondance nous fait défaut, nous devons pouvoir nous contenter de peu » lettre à Ménécée
La nature se suffit à elle-même
Démocrite: « la fortune est prodigue de dons mais inconstante. Au contraire, la nature se suffit à elle–même » DK B-CLXXVI « tout ce dont l’enveloppe charnelle a besoin est à portée de la main de tous, sans peine ni souffrance: mais ce qui exige peine et souffrance et rend la vie douloureuse est l’objet de convoitise, non de la chair, mais d’une conscience sans but » B-CCXXIII
Epicure: « grâce soit rendue à la bienheureuse nature qui a fait que
les choses nécessaires sont faciles à se procurer tandis que les choses
difficiles à obtenir ne sont pas nécessaires » Us 469 « La richesse
de la nature est à la fois bornée et facile à atteindre ; mais celle des
opinions vides se perd dans l’illimité » MC XV.
« Parmi les désirs les uns sont naturels et non nécessaires, les autres ne
sont ni naturels ni nécessaires, mais proviennent d’une opinion
vide » MC XXIX
Epicure classe les désirs
en 3 catégories:
1 - désirs nécessaire (et
naturels): faim, soif, froid… (d’où l’agriculture, le
tissage…)
2 - désirs naturels (non
nécessaires): mets délicats, amitié, amour, étude de la nature…
3
- désirs non naturels : couronnes, statues, honneurs, célébrité…
Il faut savoir désirer
avec mesure
Lucrèce: « Un jour, les vêtements faits de peaux de bêtes un jour n'eurent plus de valeur : et pourtant leur découverte avait excité tant d'envie qu'un guet-apens mortel avait attiré, j'en suis sûr le premier qui les porta ; et cette dépouille disputée entre les meurtriers, toute sanglante, fut déchirée, et aucun d'eux ne put en jouir. Alors, c'étaient donc les peaux de bêtes, aujourd'hui c'est l'or et la pourpre qui préoccupent les hommes et les fait se battre entre eux : ah ! C’est bien sur nous, je le pense, que retombe la faute. Car le froid torturait ces hommes nus, ces enfants de la terre, quand les peaux leur manquaient : mais pour nous, quelle souffrance est-ce donc de n'avoir pas un vêtement de pourpre et d'or rehaussé de riches broderies ? Une étoffe plébéienne ne suffit-elle pas à nous protéger ? Ainsi donc le genre humain se donne de la peine sans profit et toujours consume ses jours en vains soucis. Faut-il s'en étonner ? Il ne connaît pas la borne légitime du désir, il ne sait les limites où s'arrête le véritable plaisir. Voilà ce qui peu à peu a jeté la vie humaine en pleine mer orageuse et déchaîné les pires orages de la guerre » Lucrèce, V, 1410
Relativité de la pauvreté et de la richesse
Démocrite: « Pauvreté et richesse sont des noms par lesquels on désigne le besoin et la satiété. Donc celui qui ressent le besoin n’est pas riche et celui qui ne connaît pas le besoin n’est pas pauvre» DK B-CCLXXXIII « si ton désir est mince le peu te semblera beaucoup. Car la minceur de l’appétit rend la pauvreté égale à la richesse » DK B-CCLXXXIV
Epicure: « Quelqu’un ayant demandé à Epicure comment il fallait s’y prendre pour devenir riche celui-ci répondit « ce n’est pas en augmentant les biens, mais en diminuant les besoins » » Us 135. « La pauvreté mesurée selon la fin de la nature est un grande richesse ; une richesse qui ne connaît pas de limite est une grande pauvreté » MV 25
Dignité dans la pauvreté
Démocrite: « supporter avec dignité la pauvreté est signe d’empire sur soi-même » B-CCXCI
Epicure: « La belle chose, que le contentement dans la pauvreté ! » lucil 2, Us 475
La richesse et la liberté
Démocrite: « L’esclave de l’argent ne saurait être juste » maxime 16
Epicure: « Seul celui qui peut se passer de la richesse est digne d’en jouir » Lucil 14
La fortune et la Raison
Démocrite: « Les hommes se sont forgés de la fortune une image qui justifiât leur propre manque de sagacité. Car la fortune s’oppose à la réflexion et, à ce qu’ils ont prétendu, elle est la pire ennemie de la raison » DK B-CXIX
Epicure: « la fortune a peu d’emprise sur le sage, c’est sa raison qui règle les chose les plus grandes et les plus importantes durant toute la durée de a vie » MC XVI
Le contentement et la gêne
Démocrite: « le contentement et la gène définissent l’utile et le nuisible » DK B-CLXXXVIII
Clément
d’Alexandrie attribue également
cette maxime à Démocrite et nous dit qu’il la répétait souvent. DK B-IV.
Note: C’est peut-être là, la source de la théorie du plaisir comme guide, d’Epicure: « Il faut estimer le beau, les vertus et autres chose semblables s’ils nous procurent du plaisir, sinon non » Us 70.
Eloge du discours bref
Epicure: « Il faut voir nettement que le discours abondant et le
discours bref tendent vers le même but » SV 26.
Le Franc-parler
Epicure: « Les éloges que nous adressent nos semblables doivent être spontanées » MV64 (voir le traité sur le franc-parler de Philodème)
La prudence
Démocrite: « Ne soi pas soupçonneux envers tout le monde, mais soit prudent et ferme » DK B-XCI
Epicure: « la prudence estimée comme la philosophie » lette à Ménécée (certainement inspiré aussi d’Aristote)
Amitié et utilité
Démocrite: « Tous nos parents ne sont pas nos amis, mais seulement ceux qui s’accordent avec nous sur ce qui est utile » DK B-CVII
Epicure: « Toute amitié est par elle-même une vertu ; pourtant elle a eu son commencement de l’utilité » MV 23
Importance majeure de l’amitié
Démocrite: « II ne vaut pas la peine de vivre, si l'on n'a pas un bon ami» maxime 65 « Nombreux sont ceux qui paraissent être nos amis et ne le sont pas, et nombreux sont ceux qui le sont sans le paraître » maxime 63 « L'amitié d'un seul homme censé vaut mieux que celle de tous les insensés ensemble » maxime 64
Epicure: « Parmi les choses dont la sagesse se munit en vue de la félicité, de beaucoup la plus importante est la possession de l’amitié » MC 27
Les petits services
Démocrite: « De petits services rendus à propos sont les plus grands pour ceux qui les reçoivent » DK B-XCIV
Epicure: « N’évite pas de rendre de petits services car tu paraîtras capable d’en rendre des grands » Us 214.
Le rire
« Un rire perpétuel secouait Démocrite » DK A-XXI
Epicure: « il faut rire et vivre en philosophe… » MV 41
Importance de l’éducation jointe à la nature
Démocrite: « il y a en un sens de la réflexion chez les jeunes gens et
de l’irréflexion chez les vieillard ce n’est pas le temps qui
apprend à être raisonnables mais une éducation précoce jointe à la
nature » DK B-CLXXXIII « il y a plus de
gens qui deviennent valeureux grâce à l’exercice qu’il n’y en
a par nature » DK B-CCXLII « si nous
permettons aux enfants de ne pas s’extérioriser en se donnant de
mal, ils n’apprendront ni la lecture et l’écriture, ni la musique,
ni la compétions sportive, ni par dessus tout renfermer la vertu à savoir le
respect» DK B-CLXXIX « on peut sans engager de
grandes dépenses donner de l’éducation à ses enfants » DK B-CCLXXX « il
faut le plus possible partager sa fortune avec ses enfants » DK B-CCLXXIX
Epicure: « Je vous demande, au nom de votre sympathie
pour moi et pour ma philosophie, sympathie que vous m’avez témoignée dès
votre jeunesse, de prendre soin des enfants de Métrodore » testament, DL.
(Apia, la fille de Métrodore était éduquée comme les garçons). « L’étude de
la nature ne forme ni des vantards, ni des fabricants de formules… »
Les désirs désordonnés de la jeunesse
L’inné-l’acquis
Démocrite: « connaissent et recherchent le bien ceux que la nature a
doués pour cela » DK B-LVI
Epicure: « Tous les corps, tous les pays ne sont pas également propres à la sagesse » DL « L'éducation peut former certains hommes et les polir uniformément ; le caractère de chacun n'en garde pas moins son empreinte première. Nos défauts, croyons-le, ne peuvent être si bien extirpés, que l'un ne reste toujours sur la pente qui fait glisser à la colère, que l'autre ne se tourmente trop vite de crainte, qu'un troisième n'ait trop de facilité à s'accommoder des choses. [...] Il est une évidence que je puis cependant proclamer, c'est que les traces du naturel premier, que la raison est incapable d'effacer, s'atténuent cependant au point que rien ne peut nous empêcher de mener une vie digne des dieux » Lucrèce III
Le trouble moral
Démocrite: « l’heureux homme naturellement porté à accomplir des actions justes et légales est jour et nuit réjoui sur de lui et sans souci, mais celui qui ne tient pas compte delà justice et n’accomplit pas ses devoirs, trouve en toutes choses sujet de s’affliger lorsqu’il y repense: il connaît la crainte et se blâme lui-même » DK B-CLXXIV (également B-CCLXII) « la gloire que confère la justice est la fermeté du jugement et la sérénité, mais la crainte de l’injustice est le comble du malheur » DK B-CCXV
Epicure: « Le juste est le plus à l’abri du trouble, l’injuste est rempli par le plus grand trouble » MC XVII. « Il n’est pas possible que celui qui, en se cachant, commet ce que les hommes se sont mutuellement accordés à ne pas faire, afin der ne pas causer de tort ni en subir, soit certain que cela restera inaperçu, même si à partir de maintenant cela est passé dix mille fois inaperçu ; car jusqu’à sa disparition, il n’y a nulle évidence que cela continue de rester inaperçu » MC XXXV « pour le crime, il y a l'expiation de la prison, la chute horrible du haut de la Roche Tarpéienne, les verges, les bourreaux, le carcan, la poix, le fer rouge, les torches ; et même à défaut de tout cela, il y a l'âme consciente de ses fautes et prise de peur, qui se blesse elle-même de l'aiguillon, qui s'inflige la brûlure du fouet, » « il n'est pas facile de couler des jours paisibles à qui viole par ses actes le pacte de paix publique. En vain les a-t-il dérobés aux regards des dieux et des hommes, il vit sans cesse dans l'angoisse de les voir découverts : ne dit-on pas que beaucoup, par des paroles échappées dans le sommeil ou le délire de la maladie, ont révélé des fautes longtemps cachées ? » Lucrèce
La conscience de sa faute
Démocrite: « Le commencement du salut, c’est la
connaissance de sa faute » DK B-XLIII
Epicure: « celui
qui est conscient de sa faute est sur la voie de se corriger » Us
522 ; lucil 28
Le respect de soi: l'héritage Pythagorycien ?
Diogène Laerce: « Il
semble, dit Thrasyle, que Démocrite fut disciple
des Pythagoriciens, il parle d’ailleurs souvent de Pythagore et
l’admire dans son livre du même nom. Il semble avoir tout reçu de lui, et
nous dirions qu’il fut son élève, si la chronologie ne nous interdisait
de le faire. » Parmi les livres de morale écrit par Démocrite, on
trouve un livre intitulé: “Pythagore, ou de l’état de la sagesse”
l'infuence pythagorycienne sur Démocrite: Arimnestos, Leuccipe et Philolaos de Crotone, tous trois donnés comme des maîtres de Démocrite. Le premier était pour un des fils de Pythagore, les deux autres des élèves de la première génération (Démocrite DK A-I; EP p401. Pythagore DK-VI; EP p113. Leuccipe DK A-V; EP p385. Philolaos DK A-II; EP p249. Démocrite DK B-XII; EP p503).
Pythagore: “Ne pratique de chose honteuse jamais ni avec un
autre, ni en particulier ; mais plus que tout respecte-toi
toi-même” vers d’or de Pythagore n°11-12.
Démocrite: «Même dans la solitude, ne dis rien ni ne fais rien de blâmable. Apprends à te respecter beaucoup plus devant ta propre conscience que devant les autres » DK B-LXXXIV, B-CCXLIV, B-CCLXIV (le premier recueil s'apelle paroles d'or de Démocrite)
La sagesse est indépendante des autres
Epicure: « Le sage qui possède le plus grand bien du genre humain est
également sage même si il n’y a aucun témoin » Us 533
Note: d’après Plutarque, lorsque
l’on aurait demandé à Epicure ce que ferrait le sage si il pouvait
commettre un méfait sans être pris, Epicure répondit que l’on est jamais
certain de ne pas être pris. Si l’on insiste et prétexte que grâce à un
pouvoir magique, il aurait la certitude absolu de ne pas être pris, Epicure
aurait alors dit qu’il n’est pas facile de répondre à cette
question, ce que certains interpréteront peut-être comme un niveau
d’exigence morale un peu moins fort chez Epicure que chez Démocrite.
Le plaisir de soi-même
Démocrite: «… et il s’accoutume à prendre plaisir de
lui-même » (hors recueil de maximes)
Lucrèce : «l’esprit a le privilège de penser par lui-même et
pour lui, et aussi de se réjouir en soi » III.
Combativité et sens de l’effort
Démocrite: «Les fatigues de toutes sortes sont plus agréables que l’oisiveté, lorsque nous touchons au but que nos peines visent à atteindre ou lorsque nous savons que nous y parvenons» B-CCXLIII. Plusieurs autres maximes vantent les mérites de l’effort: de DK B-CCXL à CCXLIII
Diogène Laerce: « [Démocrite] était si travailleur qu’il se fit une petite cellule
dans le jardin entourant sa maison pour s’y enfermer »
Epicure: « L’habitude
d’une vie simple et modeste est donc une bonne façon de soigner sa santé,
et rend l’homme par surcroît courageux pour supporter les tâches
qu’il doit nécessairement remplir dans la vie … il y a
de nombreuses souffrances que nous estimons préférables aux plaisirs, quand
elles entraînent pour nous un plus grand plaisir » lettre à Ménécée (voir aussi MC XXVIII, et Cicéron
des fins I)
Espoir du possible et satisfaction du présent
Démocrite: « L'audace est le commencement de l'action, mais c'est la fortune qui est maîtresse deson achèvement » DK B-CCLXIX « Il faut appliquer sa réflexion au possible et se contenter de ce que l’on a » DK B-CXCI.
Epicure: « Essayons de faire que la prochaine étape soit meilleur que la précédente, tant que nous sommes en chemin, mais une fois que nous atteignons la limite, réjouissons-nous de façon égale » MV48 (voir aussi MV 35)
L’espoir raisonnable
Démocrite: « Les espoirs d’un homme intelligent sont atteignables, ceux du sot sont impossibles.» DK B-CCXCII
Epicure: « Il faut donc se rappeler que l’avenir n’est ni à nous, ni tout à fait étranger à nous, en sorte que nous ne devons, ni l’attendre comme s’il devait arriver, ni désespérer comme s’il ne devait en aucune façon se produire. » lettre à Ménécée.
La parole est l’ombre de l’action
Démocrite: « C’est dans les actions et dans la conduite qu’il faut rechercher la vertu et non en paroles » DK B-LV
Diogene Laerce et Plutarque attribuent à Démocrite: « La parole est l’ombre de l’action » DK B-CXLV
La politique
Démocrite: « Il faut accorder la plus grande importance aux questions politiques afin que l’administration de la cité soit bonne » DK B-CCLII
Plutarque: « Démocrite admoneste par ses écrits
d’apprendre la science politique » DK B-CLVII
Note: Il y a là une opposition avec Epicure pour qui « le sage n’approchera pas les affaires publiques à moins que quelque circonstance ne l’y oblige » Us 9 (MV 58) Toutefois, la maxime suivante nous montre qu’en fait ils n’étaient peut-être pas si éloignés.
Pour vivre tranquille
Démocrite: « Pour vivre tranquille, il faut embrasser peu
d’affaires publiques ou privées » DK B-III
Cette même maxime est également attribuée à
Démocrite par Sénèque DK B-III
Déconsidération des rois et des puissants
Contre la culture mondaine
Les lois sont une invention des hommes (elles ne viennent pas des dieux)
Démocrite: DL « les lois n’interdiraient pas à chacun de vivre
selon son penchant si les gens ne se faisaient pas tord mutuellement »
B-CCXLV
Diogène Laerce: pour
Démocrite « Le droit est une invention des hommes, tandis que les atomes
et le vide existent selon la nature. »
Epicure: « La justice
n’existe pas en elle-même, mais […] c’est un contrat conclu
pour ne pas se causer de tort et ne pas en subir » MC XXXIII « quand
les rois furent égorgés, il ne resta plus rien de l'antique majesté des trônes ni
de l'orgueil des sceptres, et le superbe diadème d'une tête souveraine, tout
sanglant sous les pieds du vulgaire, pleura ses anciens honneurs ; car ce que
l'on a craint, on se passionne à le briser. Aussi les affaires publiques,
tombées dans la plus basse lie, retournaient-elles au désordre de la multitude
; chacun voulait le pouvoir et le premier rang. Alors quelques hommes apprirent
aux autres à créer des magistrats et à fonder la justice, en vue d'un régime
légal. Car le genre humain, fatigué de vivre dans l'anarchie, épuisé par la
discorde, se plia d'autant mieux à l'autorité des lois et de la stricte
justice. Comme chacun dans sa colère était disposé à pousser la vengeance plus
loin que ne le permettent aujourd'hui les justes lois, on comprend que les
hommes en soient venus à se lasser d'un régime de désordre. Désormais la
crainte du châtiment trouble les douceurs coupables de l'existence ; le
violent, l'injuste, se prend dans ses propres filets et c'est sur son auteur
que l'iniquité presque toujours retombe ; il n'est pas facile de couler des
jours paisibles à qui viole par ses actes le pacte de paix publique. »
Lucrèce
Le bien, le juste et le vrai sont universels parmi les hommes
Pour un traitement plus humain des esclaves
Démocrite: « Les hommes n’ont pas honte de se déclarer heureux en [trouvant de l’or] parce qu’ils ont creusé les profondeurs de la terre par les mains d’esclaves enchaînés dont les uns périssent sous les éboulements et les autre soumis pendants des années à cette nécessité demeurent dans ce châtiment comme dans une patrie » pseudo-Hippocrate lettre n°17
la Terre s’ouvre tout entière à l’âme de valeur
Démocrite: « la vie à l’étranger apprend à se suffire à soi-même » DK B-CCXLVI « la Terre s’ouvre tout entière à l’âme de valeur, car la patrie du sage, c'est l'univers »
Clément
d’Alexandrie cite
Démocrite: « Je suis assurément de tous mes concitoyens celui qui a
le plus voyagé de tous, de part toute la Terre pour m’instruire,
j’ai vu quantité de cieux et de contrées, j’ai écouté quantité
d’hommes instruits, et nul ne m’a surpassé dans l’art de
composer des écrits accompagnés de démonstrations pas même les géomètres
égyptiens » DK B-CCXCIX
Diogène Laerce: « [Démocrite] quitta son pays pour aller en Égypte apprendre des prêtres la géométrie, et qu’il poussa jusqu’en Chaldée, en Perse, et à la mer Érythrée. On dit même qu’il fréquenta les gymnosophistes en Inde et qu’il alla en Éthiopie ». Suidas rapporte les même faits DK A-II.
Progrès et histoire de l’humanité
Démocrite: « les hommes primitifs menaient une vie désordonnée et sauvage, dispersés dans la campagne et se nourrissant des herbes les plus tendres et des fruits sauvages qui naissent spontanément sur les arbres ; et comme ils avaient à subir les assauts des bêtes sauvages, ils se vinrent mutuellement en aide et à l’école de la nécessité, sous l’effet de la crainte qui les réunissait, ils en vinrent peu à peu à reconnaître leurs différents caractères […] La connaissance du feu et des autres inventions utiles entraîna petit à petit l’invention des arts et de toutes les techniques susceptibles d’être utiles à la vie en communauté» DK B-V
Lucrèce: « d'où vient qu'au delà de la guerre des Sept Chefs contre Thèbes et de la mort de Troie on ne connaisse point d'autres événements chantés par d'autres poètes ? Où se sont donc engloutis tant de fois les exploits de tant de héros, et pourquoi les monuments éternels de la renommée n'ont-ils pas recueilli et fait fleurir leur gloire ? Mais, je le pense, l'ensemble du monde est dans sa fraîche nouveauté, il ne fait guère que de naître. C'est pourquoi certains arts se polissent encore aujourd'hui, vont encore progressant que n'a-t-on pas, de nos jours, ajouté à la navigation ! Que de nouveaux accords ont inventés les musiciens ! Enfin ce système de la nature que j'expose, c'est aussi une découverte récente, et personne avant moi ne s'était rencontré pour le faire passer dans la langue de notre patrie » « on ne peut faire remonter guère plus haut l'invention de l'écriture. C'est pourquoi les anciens temps échappent aujourd'hui à nos regards, et la raison ne nous en fait entrevoir que quelques vestiges » « Navigation, culture des champs, architecture, lois, armes, routes, vêtements et toutes les autres inventions de ce genre, et celles mêmes qui donnent à la vie du prix et des plaisirs délicats, poèmes, peintures, statues parfaites, tout cela a été le fruit du besoin, de l'effort et de l'expérience ; l'esprit l'a peu à peu enseigné aux hommes dans une lente marche du progrès. C'est ainsi que le temps donne naissance pas à pas aux différentes découvertes qu'ensuite l'industrie humaine porte en pleine lumière. Les hommes voyaient en effet les arts éclairés d'âge en âge par des génies nouveaux, puis atteindre un jour leur plus haute perfection. »
► Les fragments de Démocrite: le Recueil de Diels-Kranz augmenté par Luria
► Parallèles entre Démocrite, les védas et la philosophie hindoue
► Démocrite d'après les textes les plus anciens
► L’avis d’Epicure
sur Démocrite
► La signification de l'épicurisme
► Page principale du site du philosophe Willeime