Nietzsche et Voltaire contre le Christianisme
Qui non seulement comprend le mot dionysien, mais se comprend dans le mot dionysien n’a pas besoin d’une réfutation de Platon, du christianisme, de Schopenhauer, il flaire de loin la décomposition
Ecce homo, la naissance
de la tragédie
Bonheur et malheur sont deux frères jumeaux qui grandissent ensembles, ou comme chez vous, restent petits ensembles
Le Gai Savoir, 338
Ce qui ne me tue pas me rend plus fort.
Le crépuscule des Idoles, Maximes et pointes
Le philosophe Grec traversait la vie avec le secret sentiment qu'il y avait bien plus d'esclaves qu'on ne le pensait - à savoir que tout homme qui n'était pas philosophe était un esclave ; il exultait de fierté en considérant que même les hommes les plus puissants de la Terre faisaient parti de ceux qu'il tenait pour esclaves.
Le
Gai Savoir, I, 18, fierté antique
Dans la Satire II, 7 d’Horace, Dave soutient le paradoxe stoïcien selon
lequel tous les hommes sont des esclaves y compris les hommes libres, à
l’exception du sage.
Pourquoi si dur ? - dit un jour au diamant le charbon de cuisine ; ne sommes-nous pas proches parents ? » « Pourquoi si mous ? O mes frères, je vous le demande, moi : n'êtes-vous donc pas - mes frères? Pourquoi si mous, si fléchissants, si mollissants ? Pourquoi y a-t-il tant de reniement, tant d'abnégation dans votre cœur ? Si peu de destinée dans votre regard ? Et si vous ne voulez pas être des destinées, des inexorables : comment pourriez-vous un jour vaincre avec moi ? Et si votre dureté ne veut pas étinceler, et trancher, et inciser : comment pourriez-vous un jour créer avec moi ? Car les créateurs sont durs. Et cela doit vous sembler béatitude d'empreindre votre main en des siècles, comme en de la cire molle, - béatitude d'écrire sur la volonté des millénaires, comme sur de l'airain, - plus dur que de l'airain, plus noble que l'airain. Le plus dur seul est le plus noble. Ô mes frères, je place au-dessus de vous cette table nouvelle : DEVENEZ DURS !
Ainsi parlait Zarathoustra, III, des vieilles et des nouvelles tables, 29.
La joie et le désir vont de pair chez le plus fort qui veut transformer quelque chose pour en faire sa fonction: la joie et la volonté d’être désiré chez le plus faible qui veut devenir fonction
Le Gai Savoir, III, 118
Il y a une
morale de maîtres et une morale d’esclaves
Par-delà
bien et mal, 260
La décision chrétienne de trouver le monde laid et mauvais a rendu le monde laid et mauvais
Le gai savoir, III, 130
Le christianisme est né de
l’esprit du
ressentiment
Ecce Homo, généalogie de la morale
Les hommes modernes
sourds à toute
la nomenclature chrétienne ne sentent plus la nuance horriblement
superlative
attachée au paradoxe de la formule « dieu mis en croix ».
Cette
formule promettait le renversement de toutes les valeurs antiques
Par-delà
bien et mal, 46
Dante s’est mépris lorsqu’il plaça au dessus de la porte de son enfer : « moi aussi c’est l’amour éternel qui m’a créé ». Il serait plus légitime de faire figurer au dessus de la porte du paradis chrétien : « moi aussi c’est la haine éternelle qui m’a créé »
La généalogie de la morale, I, 15
Le fanatisme est l’unique force de volonté à laquelle puisse être amenée aussi bien les faibles que les incertains, en tant qu’il est une espèce d’hypnotisation de l’ensemble du système sensible-intellectuel au profit de l’alimentation surabondante (hypertrophie) d’une unique manière de voir et de sentir qui domine désormais – le chrétien l’appelle sa foi.
Le gai savoir, V, 347
l’Antéchrist, 47
Les évangiles sont un
témoignage
inestimable de la corruption déjà irrésistible à l’intérieur de la
première
communauté chrétienne » « Tout livre paraît propre quand on
vient de
lire le nouveau testament »
l’Antéchrist, 44 et 46.
► La page noire de Jesus-Christ
Être chrétien est
d’autant plus
criminel que l’on se rapproche de la vérité. Le criminel par excellence
est
donc le philosophe.
l’Antéchrist, loi contre le
christianisme
Croire signifie refuser de savoir ce qui est vrai
l’Antéchrist, 52.
Il est
indispensable que nous disions qui nous éprouvons comme notre opposé:
les théologiens et tout ce qui a du sang de théologiens dans les veines
l’Antéchrist, 8.
Quiconque a du sang de théologien dans
les veines, ne peut a priori être que de mauvaise foi et porte le faux
sur toute chose. Le pathos qui s’en émane s’appelle la foi : fermer les
yeux une fois pour toutes pour ne pas se voir, pour ne pas souffrir de
l’aspect d’une incurable fausseté. De cette défectueuse optique, on se fait en soi-même
une morale, une vertu, une sainteté ; on relie la bonne conscience à
une vision fausse, on exige qu’aucune autre sorte d’optique n’ait plus
de valeur, après avoir faite sacro-sainte la sienne, avec les noms de «
Dieu », « salut », « éternité ». J’ai mis à jour cet instinct
théologique à peu partout : il est la forme la plus répandue, la plus
proprement souterraine de fausseté qui soit au monde. Ce qu’un
théologien éprouve comme vrai, doit être faux : c’est presque un
critérium de la vérité.
l’Antéchrist, 9.
Tant que le prêtre dont le métier consiste à nier, à décrier, à contaminer la vie passera pour un type supérieur d'humanité il n'y aura pas de réponse possible à la question: qu'est ce que la vérité ? Quand l'avocat avéré du néant et de la négation passe pour le représentant de la vérité, c'est que la vérité a la tête en bas...
l’Antéchrist, 8.
Les prêtres, le fait est
notoire, sont les ennemis les plus méchants —
pourquoi donc ? Parce qu’ils sont les plus incapables.
L’impuissance fait
croître en eux une haine monstrueuse, sinistre, intellectuelle et
venimeuse.
La généalogie de la morale, I, 7.
Un signe décisif montre que le prêtre n’est pas seulement maître à l’intérieur d’une communauté religieuse mais l’est partout, c’est la valeur accordée au non-égoïste et l’hostilité que rencontre l’égoïste. Qui est en désaccord sur ce point avec moi je le tiens pour contaminé… mais le monde entier est en désaccord avec moi
Ecce Homo, aurore
Que l’individu s’érige
son propre idéal
et en dérive sa loi, ses joies et ses droits – voilà qui a été
considéré
jusqu’à présent comme la plus monstrueuse de toutes les aberrations
humaines et
comme l’idolâtrie en soi
Le Gai savoir, III,
143
« C’est à la seule
condition
que tu te repentes que Dieu te fait grâce » voilà qui susciterait
chez un
Grec éclat de rire et scandale.
Le Gai savoir, III,
135
Qui ne croit en lui-même, ment toujours.
Ainsi parlait Zarathoustra, De l’immaculée connaissance
La
vanité d’autrui ne heurte notre goût que lorsqu’elle heurte notre
propre vanité
Par-delà
bien et mal, 175
Ainsi parlait Zarathoustra, De l’amour du prochain
Le ver se recoquille quand on marche dessus. Cela est plein de sagesse. Par là, il amoindrit la chance de se faire de nouveau marcher dessus. Dans le langage de la morale : l'humilité.
Le crépuscule des Idoles,
Maximes et pointes
Il n’y a que chez les décadents que la compassion passe pour une vertu
Ecce homo, pourquoi je
suis si sage, 4
On appelle le christianisme la religion de la compassion. La compassion est l'opposé des émotions toniques qui élèvent l'énergie du sentiment vital : elle a un effet déprimant. C'est perdre de sa force que compatir. Par la compassion s’augmente et s‘amplifie la déperdition de forces que la souffrance, à elle seule, inflige déjà à la vie. Quant à la souffrance, la compassion la rend contagieuse. Dans certains cas, elle fait que la somme de vie et d'énergie vitale perdue est absurdement disproportionnée à l'importance de sa cause (cas de la mort du Nazaréen).
l'Antéchrist, 7
M'a-t-on compris ? Ce qui me délimite, ce qui m'isole de tout le reste de l'humanité c'est d'avoir éventé la morale chrétienne. C'est ce qui m'a donné le besoin d'un mot qui contient un défi pour tous. N'avoir pas ouvert les yeux plus tôt c'est la pire malpropreté que l'humanité ait sur la conscience ; j'y vois un aveuglement voulu au point de devenir une seconde nature, une volonté systématique d'ignorer tout fait, toute cause et toute réalité, un faux monnayage qui va jusqu'au crime en matière de psychologie. L'aveuglement en face du christianisme c'est le crime par excellence, c'est le crime contre la vie... Les milliardaires, les peuples, les premiers et les derniers, les philosophes, les vieilles femmes, tous se valent sur ce point. Le chrétien a été jusqu'ici l' « être moral » par excellence, une curiosité sans pareille ; en tant qu' « être moral » il est resté plus absurde, plus mensonger, plus vain, plus frivole et s'est plus nuit à lui-même que ne pourrait l'imaginer le plus grand contempteur de l'humanité. La morale chrétienne c'est la pire forme de la volonté de mentir, c'est la vraie Circé de l'humanité : c'est ce qui l'a corrompue. Ce n'est pas l'erreur en elle-même qui m'effraie, ce n'est pas l'absence de « bonne volonté » qui dure depuis des milliers d'années, et ce n'est pas non plus le manque de discipline, de décence et de bravoure dans les choses de l'esprit qui se trahit dans la victoire de cette morale, c'est le manque de naturel, c'est la monstruosité d'une situation qui baptise morale et fait jouir des honneurs suprême la contre-nature elle-même et la suspend au-dessus de l'humanité comme une loi, comme un impératif catégorique !... Se méprendre à ce point... pas un seul, pas un peuple, mais toute l'humanité ! ... On a enseigné le mépris des premiers instincts de la vie ; on a forgé à coups de mensonges une âme et un esprit pour faire périr le corps ; on a enseigné à voir une souillure dans le principe de la vie, dans les rapports sexuels ; on a cherché le principe du mal dans la plus profonde nécessité du développement, dans le sévère amour de soi (le mot est déjà injurieux), et on a voulu voir, par contre, dans les symptômes caractéristiques de la décadence, dans la brimade de l'instinct, dans le « désintéressement », dans la perte du point d'appui, dans l' « oubli de soi » et l' « amour du prochain » la valeur suprême de l'homme, que dis-je ? la valeur en soi !... Eh quoi ! l'humanité serait-elle elle-même en décadence ? l'aurait-elle toujours été ? Ce qu'il y a de sûr c'est qu'on ne lui a enseigné en fait de valeurs supérieures que des valeurs de décadence. La morale de l'oubli de soi est une morale de décadence par excellence, c'est la constatation « Je suis en train de périr » traduite par l'impératif « II faut que vous périssiez tous », et pas seulement par l'impératif ! ... Cette morale du renoncement, la seule qu'on ait enseignée jusqu'ici, trahit la volonté de mourir, elle nie la vie dans ses racines les plus profondes. Il nous reste une seule possibilité: que ce ne soit pas l'humanité qui soit en dégénérescence, mais seulement cette race parasite des prêtres qui s'est élevée par ses mensonges au rang d'arbitre des valeurs et qui a trouvé dans la morale chrétienne l'instrument de son ascension... car je suis bien d'avis que tous les maîtres et les meneurs de l'humanité, tous théologiens les uns comme les autres, étaient tous aussi décadents. C'est ce qui explique qu'ils aient détrôné les vraies valeurs pour les remplacer par des valeurs de mort, c'est ce qui explique la morale... Définition de la morale: une idiosyncrasie de décadents guidés par l'intention cachée de se venger de la vie, intention d'ailleurs couronnée de succès. J'attache de l'importance à cette définition.
Ecce homo, pourquoi je suis une fatalité
Ce qui nous distingue nous ce n’est pas de ne retrouver aucun dieu, ni dans l’histoire, ni dans la nature, ni derrière la nature, c’est de ressentir ce que l’on a vénéré sous le nom Dieu, non comme divin, mais comme pitoyable, comme absurde, comme nuisible, non seulement comme une erreur, mais comme un crime contre la vie
L’antéchrist 47
Dieu est mort ! […] Jamais il n’y eut acte plus grand, et quiconque naît après nous, appartient du fait de cet acte à une histoire supérieure
Le gai savoir, III, 125
Autrefois le blasphème envers Dieu était le plus grand blasphème, mais Dieu est mort et avec lui sont morts ses blasphémateurs. Ce qu’il y a de plus terrible maintenant, c’est de blasphémer la terre et d’estimer les entrailles de l’impénétrable plus que le sens de la terre
Ainsi parlait Zarathoustra, Prologue
Je
cite également quelques autres passages absolument pas dans la volonté
de
susciter une quelconque action violente contre le christianisme, ses
monuments ou ses représentants, mais pour montrer que la position de
Nietzsche, souvent trahie ou atténuée, n'est pas une critique relative
des valeurs
chrétiennes. C'est une condamnation absolue.
Toute contre-nature est
vicieuse.
L’être vicieux par excellence, c’est le prêtre : il enseigne la
contre-nature.
Contre le prêtre, ce ne sont plus les raisons qu’il faut, mais la
prison.
l’Antéchrist, loi contre le
christianisme
Les lieux maudits où le
christianisme a couvé ses innombrables basiliques seront éradiqués de
la
surface de la Terre, et ils feront horreur à la postérité. On y élèvera
des
serpents venimeux. On appellera l’histoire « sainte » du nom qu’elle
mérite :
celui d’histoire maudite ; on n’utilisera plus les mots « Dieu », «
sauveur »,
« rédempteur », « saint » que comme des insultes, des emblèmes
criminels.
l’Antéchrist, loi contre le
christianisme
Nietzsche est ici le continuateur de Voltaire
Note: Mon avis sur Nietzsche: A la fois lumière et anti-lumière, Nietzsche est une figure controversée. Vénéré par les uns, haï par les autres, il laisse rarement indifférent. Partant d’une excellente analyse sur l'origine puis l'inversion des valeurs morales par le ressentiment, Nietzsche a, selon moi, commis ensuite l’erreur de vouloir penser toute la réalité historique, sociologique, naturelle avec cette grille d’analyse. La pensée de Nietzsche se réduit à une psychologie qui ne permet pas de penser les événements, les rapports sociaux, la justice et le monde naturel en général à travers ce prisme. Il est par exemple notable de remarquer comment sa manière de tout psychologiser l’empêche de comprendre la puissance explicative du darwinisme (le Gai Savoir, 349). Nietzsche s’est laissé enfermé dans ses propres catégories en voulant interpréter trop de choses sur la base d’une analyse qui aurait mérité de rester sur le seul terrain psychologique. Il a transposé les sentiments nés de la compréhension d’un élément décisif de la nature humaine au-delà de sa porté légitime, d’une manière d’ailleurs parfois grossière, et bien contestable, en identifiant l’homme fort au rang social, à la vigueur du sang, à Napoléon… d’où ensuite ses éloges de la guerre, ses quasi-incitations à l’eugénisme, ses diatribes contre la démocratie, l’égalité des droits….
Une fois que l’on a compris l’origine des erreurs de Nietzsche, on peut plus facilement les mettre de coté et l’on peut alors lire ses livres pour tout ce qu’il y a d’autre. Reste un personnage très fin, dont les talents d’auteur (voyez par exemple les paragraphes 125 et 341 du Gai savoir annonçant la mort de Dieu et l’éternel retour) lui permettent de produire des envolées lyriques et des critiques extrêmement percutantes: il se vantait de pourvoir dire en une phrase ce que les autres ne disent même pas en un volume. Même si je ne partage pas le scepticisme qui mine sa pensée et le conduit à un irrationalisme passager, s’immerger dans sa philosophie existentielle constitue une expérience d’une rare originalité qui doit marquer tout esprit réellement philosophique. Inspirons-nous donc de Nietzsche, et lisons le comme un poète-philosophe à l’intuition parfois formidable, et non comme une autorité morale afin de ne surtout pas avoir à le suivre dans ces fréquents excès indéfendables.
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